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La fois où j’ai pissé dans mes culottes pour la dernière fois.

Je ne suis pas trop certain si l’Académie Française approuverait le titre de cet article. Genre que j’utilise deux fois le mot « fois » et que ça sonne très douteux. Mais bon, quand j’ai vu cet indien zarbi à moitié à poil dans un rêve, il m’a bien averti qu’en écrivant, j’avais le droit de faire ce que je voulais surtout bousculer les règles plates.

Un jour, je vais fonder l’Académie Lavalloise-des-Rapidiens, un centre d’étude sur la langue française, qui sera bâti en lieu et place du Ultramar au coin de Cartier et Sauriol. Revenons à notre mouton…

Quand j’avais de 6 à 18 ans, je jouais au hockey mineur. J’étais pas vraiment le meilleur, mais j’étais pas le pire non plus. Par contre, le hasard de la vie a décidé que mon équipe, elle, était toujours la pire.
Année après année, on se faisait lessiver dans des performances Lions-de-Détroit-esques. À ma deuxième année chez les Pee-Wee, on avait même réussi l’exploit de perdre deux matches consécutifs par la marque de 14-0. Le premier contre les Étincelles de Monteuil (asti que je les haïssais…) et le deuxième contre les Tigres de Duvernay (je les haïssais moins parce que le fils de mon prof de sixième année jouait pour eux, et qu’il était ben correct….).

Habitués à la médiocrité, gagner n’était même plus un enjeu. Ne pas trop perdre était le principal. Les équipes adverses se moquaient bien de nous; nous étions des proies faciles. Heureusement, à ce stade du hockey mineur, toutes les équipes sont invitées à participer aux Séries Éliminatoires et ce n’est pas 1er vs. 16Ème, 2ème vs. 15Ème, etc. Non, il y a plutôt un tirage au sort qui fait en sorte que les deux meilleures formations peuvent s’affronter dès le premier tour…tout comme les deux pires.

C’est presque ce qui est arrivé cette année-là. Évidemment derniers, nous avons eu la chance de nous mesurer aux avants-avants-derniers au premier tour. Et par un miracle aussi miraculeux qu’un miraculé, l’équipe avec une fiche de 0 victoires – 20 défaites, 43 buts pour, 213 buts contre (nous) a battu celle avec la fiche de 4 victoires – 16 défaites, 78 buts pour, 114 buts contre (les Deltas de Delta Laval). Ce qui nous amenait au deuxième tour, confrontés à l’équipe qui avait fini au troisième rang, les St-François (que j’haïssais encore plus que les Monteuil à cause que mon père, qui était le coach, s’était déjà fait mettre dehors de leur aréna pour avoir fait des fingers à l’arbitre, à l’autre équipe, et à la foule.) Inutile de dire qu’ils étaient favoris…

Après 55 minutes de jeu, les Abrutis de St-François ne menaient que par un but. C’était, mettons…4-3.
Mon père m’avait mis sur la glace avec Yannick Bourré et Pierre Frongillo, dans le but de faire un genre de jeu de puissance version chaudrons, et d’égaliser la marque. Et c’est là que j’ai marqué le but le plus important de ma vie à date. Les poignets récemment solidifiés par la puberté qui me gagnait, j’ai réussi à faire lever le puck et à l’envoyer au moins trois pieds plus haut que la glace, directement dans le ventre d’un défenseur Abruti. Le rondelle, subtile telle le Serpent dans l’ancien Testament, s’est subrepticement glissé dans les culottes du joueur en question, et tout le monde l’a perdue de vue pendant un bon 3 secondes. Tout le monde sauf Yannick Bourré qui a foncé comme un train sur le défenseur et qui l’a plaqué dans son filet. L’Abruti était dans le net; la rondelle était dans ses bobettes. Buuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuutttt!

Quatre à quatre. On s’en va en prolongation. Il ne se passe rien d’intéressant. Ça va devoir se conclure en fusillade.

Le premier Abruti s’élance, et compte. Le premier joueur de mon équipe s’essaie et revient bredouille.
Le deuxième Abruti y va et compte aussi. On sait tous qu’une fusillade se décide sur la base de trois tentatives. C’est donc dire que pour survivre, on doit réussir nos deux prochaines tentatives et espérer qu’ils ratent leur dernière.

Je suis assis sur le banc et je n’ai jamais ressenti autant de pression de toute ma vie. On a l’occasion de montrer qu’on est pas des pourris, qu’on peut battre une équipe de qualité, qu’on peut jouer en demi-finale, et que LDR, c’est le shit. Mon père me désigne pour aller sauver la situation. Ça me fait chier un peu parce que j’ai peur de me planter et d’être le responsable. En même temps, si je réussis, je vais être le héros. Je saute sur la glace et j’avance doucement vers le centre de la glace. Et là, doucement, le stress commence à me couler au bout de l’urètre. L’arbitre me dit quelque chose, mais je l’entends pas, trop occupé à me trouver cave d’être en train de me pisser dessus. Je vérifie entre mes jambes qu’aucune goutte ne s’est échappée, j’entends le bruit du sifflet et je m’élance.

J’avais vu les Mighty Ducks la semaine d’avant. La Triple Feinte était la mode. Les gardiens l’attendaient tous. Mais ils ne connaissaient pas encore la Quadruple Feinte. Je l’ai inventée sur le champ et j’ai scoré le but le plus important de ma vie à date. (oui, j’ai effacé la marque précédente dedans ma tête qui datait de 20 minutes auparavant).

J’ai levé les bras vers le ciel et j’ai accéléré vers le banc de mon équipe en criant: « J’ai pissé dans mes culottes! J’ai pissé dans mes culotte! » Et j’ai été accueilli comme un Dieu!

Depuis ce jour, tous les joueurs de la LNH se pissent dessus avant de commencer un match.

Et pour ceux que ça intéresse, nous n’avons pas gagné le match, mais j’ai quand même gagné la médaille de « Meilleur Joueur de la Partie ». C’est cool parce que j’ai toujours préféré les honneurs individuels …

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