
Pour faire coïncider mon texte avec l’épisode de cette semaine de la série « Backstage » d’Omnikrom, j’ai décidé de raconter une histoire de danseuses nues.
Ce printemps-là, dès la fin des cours au cégep, on s’était planifié une petite excursion au Lac St-Jean. Mes deux potes et moi avions donc mis le cap sur Alma par une quelconque nuit de la mi-mai. Le but du voyage était simple: quitter les préoccupations urbaines, se reposer, et boire de la bière, beaucoup de bière.
Je fast-forwarde dans le temps sur les trois premiers jours du périple parce que ça n’a rien à voir avec ce que je veux raconter. En résumé, les missions étaient accomplies, et il ne nous restait plus qu’à rentrer sagement à la maison, via notre dernière escale, La Tuque. Nous avons fait notre entrée dans le village vers midi, et franchement, c’était comme au Far-West. Les locaux nous regardaient de haut en se demandant ce que ces étrangers pouvaient bien leur vouloir; tandis que les Amérindiens avaient l’air d’être au pays des Esprits, probablement à cause du calumet et/ou du propane…La rumeur de notre arrivée s’est propagée comme la petite vérole.
Il n’y a pas grand-chose à faire à Tuqueville. C’est pourquoi nous nous sommes acheté une paquet de 24 Wildcat en canettes, et que nous sommes allés nous inventer un jeu avec une superballe sur le mur d’une gare abandonnée. Les 24 canettes se sont transformées en 48 et la nuit est tombée…Désinhibés, il n’y avait pas 36 solutions. On voulait faire du tourisme exotique et tout ce que la municipalité avait à nous proposer, c’était son bar de danseuses. Je pense que ça s’appelait le Cactus ou le Crocodile ou l’Iguane, quelque chose comme ça…
Dans le bar, il y avait environ deux clients: un motard et un vieillard. Il y avait aussi une danseuse en plein spectacle. C’était l’essentiel, on était contents. Quand la chanson s’est terminée, elle est sortie de piste et elle est montée à l’étage, suivie par le vieillard. Nous avons attendu la prochaine danseuse. Longtemps, longtemps…Au bout d’une heure, l’effeuilleuse initiale est redescendue dans le bar en comptant des dollars et elle est revenue sur scène. C’est à ce moment qu’on a compris qu’on était pas dans un bar de danseuses, mais plutôt dans un bar de danseuse.
Quand la toune a fini, c’est un de mes amis qui s’est levé et qui l’a suivi jusqu’au deuxième. J’étais abasourdi. Il est revenu quinze minutes plus tard, appauvri de soixante dollars. Soixante piasses pour une pipe, c’est cher payé. Mais ivresse oblige, je m’étais mis next.
Entretemps, mon autre ami s’était lié d’amitié avec le motard. Leur union fut cependant de courte durée. Pour une raison toujours inexpliquée, des chaises se sont envolées en direction de mon pote, propulsées par la rage du gros barbu. La confrontation était inutile; nous étions en pleine guerre de motards, et avoir ma face dans le journal à côté de « Nouvelle victime innocente » ne m’enchantait guère. Nous avons pris la poudre d’escampette juste avant que je fasse la dépense la plus honteuse de toute ma vie.